écrits saint-martinistes


« Écrits Saint-Martinistes »

Jean-Marc Vivenza

« Comme mon affaire est et doit être toute divine, et que Dieu est un Dieu jaloux,
tout la gêne de ce qui n'est pas Lui…. »

(L.-C. de Saint-Martin, Portrait, § 995).

Les études présentées et réunies ici en un seul volume sous le titre « Écrits Saint-Martinistes », depuis longtemps devenues inaccessibles et quasi introuvables, occupent une place importante dans l’entreprise de remise en lumière et la redécouverte des thèses « théosophiques » et positions « illuministes » spécifiques du Philosophe Inconnu, thèses et positions entourées, hélas depuis de nombreuses décennies, d’un voile opaque dans la plupart des courants se réclamant, bien à tort le plus souvent, du « martinisme », voile constitué d’un hétéroclite mélange fait d’occultisme, d’art divinatoire, d’hermétisme, d’astrologie, de kabbale, voire de « théurgie » - ce qui évidemment ne manque pas d’être pour le moins paradoxal lorsqu’on connaît les positions critiques et la vive hostilité de Louis-Claude de Saint-Martin vis-à-vis des procédés utilisés lors des « opérations » enseignées et proposées à ses émules par Martinès de Pasqually pour obtenir la « réconciliation » des âmes -, voile empêchant par ailleurs un accès direct à la pensée authentique de l’auteur du « Ministère de l’homme-esprit ».

Ainsi, dans les « écrits saint-martinistes » figurant dans ce livre, sont exposés les éléments précis portant sur la nature de la « Sophia », de même que ceux touchant à la « vie intérieure » de prière et d’oraison, selon ce que Saint-Martin préconisa comme seule et unique méthode véritable pour atteindre les régions célestes et entrer en communion avec la « Cause active et intelligente », en s’éloignant, et se détournant des procédés qu’il qualifia, à juste raison, « d’externes », incapables par leur industrie pesante et leur dépendance à l’égard de la matière et de ses manifestations illusoires, de réaliser la « grande affaire » selon l’expression qu’il employa à de nombreuses occasions pour signifier ce dont il est question de façon ultime pour l’âme de désir en quête de sa rencontre intime et secrète avec l’essentiel transcendant.


Titre : Ecrits Saint-Martinistes
Auteur : Jean-Marc Vivenza
Nb. pages: 405
N° ISBN : 978-2-36353-128-5
Prix public : 34,50€
Poids : 400 g.
N°ISBN/ePub : N.A
Date édition :  -tirage limité-


Avant-propos (extrait) 
 
      Les deux études présentées et réunies ici en un seul volume sous le titre « Écrits Saint-Martinistes », ont été publiées respectivement, pour la première, c’est-à-dire « La prière du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin dit le ‘‘Philosophe Inconnu’’», en 2007, et pour la seconde, « La Sophia et ses divins mystères », en 2009. Cependant ces textes, depuis longtemps devenus inaccessibles et quasi introuvables, occupèrent une place importante dans l’entreprise de remise en lumière et la redécouverte des thèses théosophiques et positions spécifiques du Philosophe Inconnu, thèses et positions entourées, hélas depuis de nombreuses décennies, d’un voile opaque dans la plupart des courants se réclamant, bien à tort le plus souvent, du « martinisme », voile constitué d’un hétéroclite mélange fait d’occultisme, d’art divinatoire, d’hermétisme, d’astrologie, de kabbale, voire de « théurgie » - ce qui évidemment ne manque pas d’être pour le moins paradoxal lorsqu’on connaît les positions critiques et la vive hostilité de Louis-Claude de Saint-Martin vis-à-vis des procédés utilisés lors des « opérations » enseignées et proposées à ses émules par Martinès de Pasqually pour obtenir la « réconciliation » des âmes -, voile empêchant par ailleurs un accès direct à la pensée authentique de l’auteur du « Ministère de l’homme-esprit ».
 
      Ainsi, comme cela fut rappelé dans « L’Esprit du saint-martinisme » [1], livre récemment publié regroupant les approfondissements fondamentaux relatifs à la pratique concrète et effective de la « voie saint-martiniste» sur le plan initiatique, « La Prière du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin dit le ‘‘Philosophe Inconnu’’», est une étude qui nous fut demandée en 2003 par Robert Amadou (1924-2006), de sorte qu’elle puisse figurer dans le numéro double de la revue « Renaissance Traditionnelle » qui était prévu pour la célébration du « bicentenaire » de la naissance au Ciel de Saint-Martin. Ce numéro ne vit jamais le jour, mais le texte rédigé, intégré dans sa version abrégée et initiale telle que devant être intégré dans le numéro du « bicentenaire » dans « L’Esprit du saint-martinisme » [2], servit  de « trame », si l’on peut dire, à deux ouvrages, tout d’abord :  La Prière du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin dit le « Philosophe Inconnu », en 2007 [3], puis, « Pratique de la prière intérieure pour conduire l’âme à l’union avec la Divinité, La méthode de l’oraison et de la contemplation mystique selon Louis-Claude de Saint-Martin » en 2015 [4].
 
a) La « grande affaire » de Saint-Martin
 
      Le texte, tel qu’inclus dans le livre actuel, est donc la version intermédiaire inédite qui développa, et ce de façon relativement étendue, les éléments touchant à la « vie intérieure » de prière et d’oraison, selon ce que Saint-Martin préconisa comme seule et unique méthode véritable pour atteindre les régions célestes et entrer en communion avec la « Cause active et intelligente », en s’éloignant des procédés qu’il qualifia, à juste raison, « d’externes », incapables par leur industrie pesante et leur dépendance à l’égard de la matière et de ses manifestations illusoires, de réaliser la « grande affaire » selon l’expression qu’il employa à de nombreuses occasions pour signifier ce dont il est question de façon ultime pour l’âme de désir en quête de sa rencontre intime et secrète avec l’essentiel transcendant : « Il y a des êtres qui ont dédaigné mon affaire à cause de ma personne; s'ils ne s'étaient pas pressés ils auraient fait grâce à ma personne en faveur de mon affaire » (Portrait, § 301) ; « De ce que hors de ma grande affaire, je n'étais rien ni dans les sciences, ni dans les talents, ni dans les occupations de ce monde, j'ai conclu qu'en effet j'étais appelé à cette grande affaire, en raison de la grande loi des compensations; car j'ai vu quantité de gens qui hors de cette grande affaire étaient encore quelque chose, et qui par conséquent n'avoient pas besoin d'elle pour avoir un poste; aussi ne savaient-ils pas seulement qu'elle fût au monde » (Ibid., § 899) ; « Comme mon affaire est et doit être toute divine, et que Dieu est un Dieu jaloux, tout la gêne de ce qui n'est pas lui, elle s'ombrage de la moindre chose, et alors elle ne se montre plus qu'à demi, ou point du tout. Voilà pourquoi j'ai tant de désavantage avec le monde qui est toujours en exercice et en jouissance complète de sa fausse domination, et de son empire de mensonge. Je peux bien attribuer à ma faiblesse une grande partie de cet effet répressif ; mais certes je n'en dois pas attribuer une moindre partie à ma destinée divine qui veille à la conservation de sa propre base, et qui ne veut pas la laisser frayer et se confondre avec l'esprit des nations. » (Ibid., § 995) [5].
 
b) Saint-Matin et le mysticisme théosophique
 
      Saint-Martin aspire, comme on le voit, à une union intérieure avec le surnaturel que l’on peut, à bon droit, qualifier de « mystique », sachant que cette union, mystique s’il en est, est toutefois une « mystique théosophique » car participant d’une approche nettement distante de la dogmatique ecclésiale et de la doxa conciliaire, puisque relevant, en ses fondements premiers, des principes doctrinaux de l’illuminisme chrétien, et en particulier de l’illuminisme martinésien qui professe sur de nombreux points - dont ceux ayant trait à l’émanation des esprits, la création du monde par l’effet d’une contrainte « nécessaire », la constitution de l’univers visible non par Dieu mais par des esprits intermédiaires, l’incorporisation d’Adam en punition de sa désobéissance dans une forme charnelle, sa destination post mortem incorporelle et la vocation à l’anéantissement de la totalité du composé matériel à la fin des temps -, des positions absolument inconciliables avec celles des autorités religieuses présidant aux différentes branches, occidentales ou orientales, du christianisme institutionnel.
 
 
      Il s’agit donc bien d’un « mysticisme », d’un mysticisme réel concernant Saint-Martin, mais, comme le souligna Elme Marie Caro (1826-1887), l’un des premiers biographes du Philosophe Inconnu au XIXe siècle, d’un mysticisme original en plusieurs de ses aspects, plus difficile à analyser et pour cause que le mysticisme cultivé au sein de l’Église :  « il y a un autre mysticisme d’un caractère plus complexe, plus difficile à analyser, à coup sûr très différent : c’est le mysticisme théosophique, qui ne contemple plus seulement, mais qui dogmatise sur les objets de la plus haute spéculation. Ses prétentions ne vont à rien moins qu’à la science absolue, totale, définitive. Il ne trouve pas seulement en Dieu le terme et l’objet de son ardent amour ; il trouve aussi en lui la source de toute science, l’inspiration, la connaissance suprême, l’explication de tous les mystères de la foi ou de la nature, la pleine lumière de la vérité », puis après avoir cité Boehme, Swedenborg, Martinès de Pasqually et Saint-Martin, Caro rajoute : « Tous ont l’ambition avouée de pénétrer les dernières profondeurs de la science divine, tous aussi affectent de rattacher leur doctrine par un lien secret à la tradition chrétienne, ou tout au moins aux origines mosaïques [6]. »
 
      De ce fait, le mysticisme spéculatif, ou « théosophique », possède un but qui va bien au-delà de la simple mystique contemplative, aspirant à pénétrer à l’intérieur du mystère divin pour en découvrir l’essence cachée : « Nous voudrions marquer au juste le caractère propre de ce mysticisme spéculatif ou théosophique, qui est précisément celui de Saint-Martin. Le mot théosophie, comme nous l’apprend M. Cousin, a été pour la première fois employé par Gerson, mais dans un sens très-large et peu défini. Il n’a pris sa signification moderne qu’avec Boehme, qui s’en est servi souvent pour exprimer la science puisée au sein de Dieu. C’est une théologie, une métaphysique, une cosmologie, la science des sciences, révélée à l’illuminé. Théosophe, c’est-à-dire plus que philosophe et plus que théologien ; c’est-à-dire encore savant de la science même de Dieu. Au théosophe, les Écritures révèlent d’elles-mêmes leurs sens mystérieux ; la nature, ses plus secrets symboles ; l’âme, ses mystères ; tous les voiles tombent devant ses yeux. Il saura tout, sans avoir rien appris ; il raillera la science humaine, si défectueuse et si lente. Boehme n’a pas assez de sarcasmes pour le bonnet carré ; Saint-Martin, de mépris pour les observateurs. On voit par où le théosophe diffère du mystique. Le contemplatif n’a qu’un but, s’abîmer en Dieu dans un acte d’amour ; le spéculatif veut plus, il aspire à ravir le dernier mot de la science. L’un se repose ; l’autre, après s’être reposé dans l’extase, agit, travaille, compose, enseigne. Le mystique anéantit, autant qu’il est en lui, ses facultés intellectuelles, la raison, le raisonnement, la pensée discursive. Le théosophe, possesseur des secrets divins, prétend en faire un système complet, et il se sert même, dans ce but, de ce procédé humain si décrié, la logique. Cette différence réelle, radicale, a été vivement aperçue et exprimée par Saint-Martin. ‘‘Il n’est pas rare, dit-il, de voir de ces mystiques, soit féminins, soit masculins, nous peindre merveilleusement l’état le plus parfait des âmes, et nous donner même une description exacte des régions par où passent les vrais ouvriers du Seigneur. Mais ces mystiques semblent n’être appelés à approcher de ces régions que pour en faire la peinture ; ils voient la Terre promise et ne la labourent pas’’ (Ministère de l’homme-esprit). Les mystiques sont nés pour jouir ; les théosophes pour labourer le sol divin, et lui faire produire la moisson de l’universelle vérité [7]. »
 
 
[…]

[1] L’Esprit du saint-martinisme, La pierre Philosophale, 2020.
 [2] Ibid., pp. 221-254.
 [3] La Prière du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin dit le « Philosophe Inconnu », Arma Artis, 2007.
 [4] Pratique de la prière intérieure pour conduire l’âme à l’union avec la Divinité, La méthode de l’oraison et de la contemplation mystique selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2015.
 [5] Allusion significative de Saint-Martin à sa « grande affaire », dans le passage suivant de son Portrait historique et philosophique (1789-1803), évoquant le rôle déterminant joué par Jacob Boehme (1575-1624) sur sa pensée : « Vers le même temps où je reçus une lettre gracieuse de Madame Crassons-Jacquet, j'en reçus une autre non moins intéressante du baron Kirchberguer de Liebistorf membre du Conseil souverain de Berne. Cet homme que je ne connais point personnellement me parait avoir une âme et un esprit qui me seraient très analogues ; il en dit autant de moi. Aussi j'ai suivi sa correspondance avec grand plaisir ; mais pour lui prouver combien je méritais peu tous les éloges qu'il me donnait, en comparaison des grands élus de la vérité, je lui ai recommandé la lecture de mon chérissime J. B. en l'assurant que je n'étais pas digne de dénouer le cordon des souliers de cet homme étonnant que la Providence a envoyé sur la terre il y a plus de 150 ans ; mon baron aura même eu en cela un grand avantage sur moi, en ce qu'il peut lire cet auteur dans sa langue maternelle qui est aussi la sienne, au lieu que je ne peux que me traîner dans cette lecture, ayant commencé fort tard à en étudier la langue. Mon baron d'ailleurs écrit très bien le français, et a de l'instruction dans plusieurs genres qui ne sont point du tout inutiles à la grande affaire. » (Portrait, § 266)
 [6] E. Caro, Du Mysticisme au XVIIIe siècle,  Essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin le Philosophe Inconnu, Paris, Hachette, 1852, pp. 97 ; 100-101.
 [7] Ibid., pp. 101-102.


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