La clé alchimique de l’œuvre d’Hergé

titinbadot2site

Étienne Badot, avec votre livre, La clé alchimique de l’œuvre d’Hergé, vous proposez une lecture alchimique des albums de Tintin. Voilà une lecture de la bande dessinée qui est tout de même assez inattendue ?

On sait, depuis les livres de Fulcanelli, que les cathédrales gothiques ainsi que divers autres édifices recèlent, dans leur décoration, de nombreux symboles susceptibles d’avoir une interprétation alchimique.

Cependant, il n’y a pas que les monuments qui recèlent des messages alchimiques. On trouve aussi des messages cachés dans la sculpture, la peinture ou la littérature. Certaines œuvres énigmatiques, telles que les tableaux de Jérôme Bosch ou les poèmes de Gérard de Nerval, requièrent à l’évidence une interprétation symbolique pour être vraiment comprises. Mais on peut trouver également des messages cachés dans des œuvres qui paraissent en première lecture sans mystère, telles que le roman de Renart, les contes de Perrault ou les romans de Jules Verne… Qu’on puisse en trouver également dans la bande dessinée est peut-être surprenant mais pourquoi cela serait-il impossible ? L’antique tradition de l’enseignement secret a toujours existé et chaque époque a utilisé les canaux de diffusion dont elle disposait; c’est dans la logique des choses. Le XXème siècle a vu fleurir la bande dessinée. Il était normal que certains aient eu un jour l’idée de s’en servir pour faire passer des messages. C’est même un excellent canal pour une diffusion discrète de messages secrets : la BD n’étant généralement considérée que comme un simple divertissement, elle n’attire pas l’attention.

S’il y a des messages alchimiques cachés dans les albums de Tintin, cela voudrait dire qu’Hergé s’intéressait à l’alchimie ou qu’il était alchimiste ?

Hergé était un homme à la personnalité double. D’un côté, il y a l’homme public Hergé, papa de Tintin et génial créateur de bande dessinée, que tout le monde connaît. Et de l’autre, il y a Georges Remi, un homme discret et même secret, qui avait pour livre de chevet Le matin des magiciens de Bergier et Pauwels et qui s’intéressait beaucoup au monde de l’occulte, au paranormal, au spiritisme, à la philosophie, à la quête spirituelle… Mes recherches m’ont permis de découvrir qu’il s’intéressait manifestement beaucoup à l’alchimie car on en retrouve de très nombreuses traces dans les albums de Tintin, comme je l’explique dans mon livre. Je pense que l’alchimie a pu être pour lui une sorte de quête du Graal… J’ignore s’il s’est livré lui-même à des expériences alchimiques mais il me paraît certain qu’il comptait un ou des alchimistes dans ses amis intimes car il a laissé dans son œuvre de nombreux indices qui témoignent d’une connaissance approfondie de l’alchimie.

D’où vous est venue cette idée de rechercher des messages alchimiques dans les albums de Tintin ?

C’est parti de la lecture d’un livre de Bertrand Portevin, Le démon inconnu d’Hergé. Ce passionné d’Hergé y affirmait, avec beaucoup de sérieux, que l’œuvre du grand dessinateur était truffée de références à divers domaines de la connaissance secrète : astrologie, franc-maçonnerie, cabale, tarots, mythologie mais également alchimie !  Ce livre a piqué ma  curiosité. Etant d’une part passionné de BD (comme pas mal d’enfants de Belgique et de France, j’ai quasiment appris à lire avec Tintin !) et d’autre part passionné d’alchimie depuis de nombreuses années, je me suis mis à relire en profondeur les albums de Tintin afin d’y rechercher les éventuels messages cachés relatifs à l’alchimie. Je peux bien avouer que j’étais quelque peu sceptique au début mais très vite, je me suis rendu compte que l’œuvre d’Hergé contenait incontestablement des symboles et des messages cachés relatifs à l’alchimie et qu’elle en contenait même beaucoup !

Vous avez donc finalement décidé d’écrire un livre sur ce sujet ?

Lorsque j’ai commencé à découvrir des messages alchimiques dans les albums de Tintin, je suis entré en contact avec Bertrand Portevin pour lui faire part de mes découvertes. Il s’en est suivi un fructueux  échange de courrier et comme mes découvertes s’accumulaient,  je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas les faire partager au plus grand nombre. Les messages cachés dans l’œuvre d’Hergé sont conçus de manière à échapper au lecteur ordinaire. Et même pour un lecteur possédant des connaissances en ésotérisme, ils n’apparaissent pas au premier coup d’œil. Il faut lire, lire et relire… Pour le lecteur curieux qui veut aller au-delà des apparences et découvrir la face cachée des albums de Tintin, un guide de décryptage s’avérait indispensable. C’est ce que j’ai voulu faire avec ce livre, qui s’adresse avant tout au passionné d’ésotérisme mais qui est accessible également au simple tintinophile car j’ai veillé à m’exprimer en langage clair pour les lecteurs peu familiarisés avec l’alchimie.

Vous proposez donc au lecteur une clé de lecture particulière des albums de Tintin ?

C’est bien cela. L’œuvre d’Hergé intéresse beaucoup de monde et pas seulement des spécialistes de la bande dessinée. Tintin fait partie de notre imaginaire collectif. Des gens de tous horizons s’y sont intéressés : historiens, psychologues, psychanalystes, philosophes et, plus récemment, quelques ésotéristes aussi… Tous proposent leur vision de l’œuvre d’Hergé. Bertrand Portevin a évoqué avant moi la dimension alchimique de l’œuvre. Mais je suis le premier et à ce jour le seul qui ait proposé une interprétation de cette œuvre entièrement selon l’angle de l’alchimie. C’est sans doute une clé de lecture qui peut, au premier abord, surprendre mais elle n’a rien de déraisonnable car elle fonctionne très bien. Mes lecteurs pourront le constater : la clé alchimique ouvre des portes insoupçonnées sur le monde d’Hergé et ses relations avec les sciences dites « occultes ».

Une première édition de votre livre avait déjà été publiée auparavant ?

En effet. La première édition de La clé alchimique est sortie en 2011, en version papier et en version électronique. Comme l’édition papier était épuisée depuis quelque temps déjà, une réédition était souhaitable. Mais entre-temps, je n’étais pas resté inactif : pris par le virus de la tintinophilie, j’ai continué mon étude alchimique des albums de Tintin et j’ai accumulé les découvertes. En accord avec mon éditeur, nous avons donc décidé de publier cette seconde édition revue et augmentée, enrichie des nouvelles découvertes que j’avais faites depuis 2011.

Cette seconde édition est donc différente de la première?

Oui, elle a été entièrement revue et augmentée; elle bénéficie aussi d’illustrations en couleurs. Pour marquer la différence avec la première édition, une nouvelle couverture a été choisie, tout en conservant la fusée lunaire de Tintin (un dessin de ma petite-fille) qui figurait sur la couverture de l’édition initiale. J’ai relu tout mon livre et j’y ai ajouté mes découvertes nouvelles relatives aux albums déjà étudiés. J’ai ajouté aussi quelques commentaires sur d’autres albums, tels que L’île noire, Le sceptre d’Ottokar et Tintin au pays de l’or noir, albums dont une étude complète reste encore à faire. Mais je ne me suis pas limité à cela. Je me suis intéressé plus en profondeur à trois albums de Tintin que je n’avais pas encore examinés en 2011, ce qui m’a permis d’ajouter à mon livre trois nouveaux chapitres, consacrés respectivement aux albums Coke en stock, Les bijoux de la Castafiore et Tintin et les Picaros. Je signale au passage que la lecture des Bijoux de la Castafiore m’a amené à faire une découverte inédite concernant Fulcanelli. Enfin, j’ai encore ajouté un dernier et important chapitre qui apporte un éclairage nouveau sur l’initiation hermétique d’Hergé.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dernier chapitre ?

Les messages secrets dans l’œuvre d’Hergé ne sont pas seulement alchimiques. Hergé semblait avoir de larges connaissances dans d’autres domaines : astrologie, cabale, mythologie, tarots, franc-maçonnerie… Tout cela fait beaucoup pour un seul homme. C’est ce qui m’a incité à penser qu’Hergé devait être membre d’une société secrète ou d’un ordre initiatique et qu’il aurait eu de la sorte accès à divers documents non accessibles au commun des mortels. Quelques autres « ésotéristes d’Hergé » avaient déjà suggéré avant moi sa possible appartenance à un ordre secret, vraisemblablement la franc-maçonnerie. J’avais d’ailleurs moi-même évoqué cette question dans la première édition mais assez brièvement car j’avais une autre piste en cours d’examen. Il m’était venu à l’idée que si Hergé avait dissimulé des messages alchimiques dans ses œuvres, il avait peut-être aussi glissé des allusions à cette société secrète dont il était membre. Et ce calcul s’est avéré être bon car j’ai fini par découvrir qu’Hergé avait dissimulé dans ses albums de nombreuses allusions à un ordre secret qui s’intéressait notamment à l’alchimie : la Rose+Croix ! C’est l’objet de ce dernier chapitre, dans lequel je démontre que le père de Tintin nous a lui-même avoué, à sa manière, son appartenance à un ordre rosicrucien : il a laissé au moins une allusion à la Rose+Croix dans chaque album de Tintin !